Débarquement: Maurice Nicolas y était lui-aussi.

2014 06_06_débarquement_nicolas_mauriceLe 6 Juin 1944, Maurice Nicolas était à bord du croiseur « Georges Leygues » face à Omaha Beach. Décédé le 1er novembre 2013, il est en droit de revendiquer sa participation à la plus extraordinaire opération militaire de tous les temps.

Maurice Nicolas, installéà Sète depuis le 8 juin 1978, était néà Lommerange le 9 février 1923 « dans la chambre située au dessus du Café Lacolombe ». Il était le fils de Théophile Nicolas et de Anne Kail et le dixième enfant d'une fratrie de douze (neuf filles et trois garçons). Il habitait en bout de la Rue Haute.
Il a fréquenté l'école de Lommerange de 5 ans et demi à l'âge de douze ans. En 1935, sa famille est allée habiter Fontoy. Il y est resté le temps de finir ses études primaires, de faire sa communion, d'entrer dans la vue active au travers de plusieurs emplois, de s'investir dans la vie sportive en tant que licencié de l'US Fontoy puis de l'US Algrange.
Il n'avait pas 18 ans lorsqu'on voulut lui faire prendre la nationalité allemande, la Moselle étant annexée à la Grande Allemagne. Il refusa et les ennuis commencèrent. Arrêté par les Allemands à deux reprises, il décida avec son frère Paul, 24 ans, de partir pour la France Libre. Il fit ses classes à Toulon, traversa la Méditerranée, passa par Alger et rejoignit Dakar où il fut affectéà bord du croiseur « Georges Leygues » le 4 décembre 1941. Ce qui lui valut de participer au 6 juin 1944 face aux plages de Normandie. Quelque temps avant son décès, il se souvenait :

« Le 5 avril 1941, mon frère Paul, 24 ans, et moi-même avons décidé de partir volontairement pour la France Libre. De Lyon, j'ai été envoyé par la SNCF à la gare de Laroquebron dans le Cantal. J'y suis resté jusqu'au moment où je décidai de m'engager dans la marine. C'est mon ami, René Jacquinet, copain d'école et de foot de Fontoy qui m'a décidéà aller le rejoindre à Toulon où il venait de s'engager.
Après trois mois d'école de marin, le 4 décembre 1941, j'ai été affecté sur le croiseur « Georges Leygues » baséà Dakar au Sénégal. Là commencera ma vie de marin et d'aventurier.

Toute l'année 1942 se passera dans le calme à me former et à apprendre l'essentiel sur un bâtiment de guerre. Pour ne pas m'ennuyer, j'étais toujours volontaire pour les corvées de vivres ou pour les patrouilles en ville. De plus, tous les matins, avant les couleurs à 8 heures, j'allais au stade avec le capitaine-fusilier et plusieurs autres marins pour y faire du sport et du footing. Ca m'évitait de monter la garde à bord, du moins le moins possible. Au fait ! René Jacquinet et Charles Appenzeller de Fontoy avaient embarqué sur le Richelieu, basé lui - aussi à Dakar. Nous nous voyions souvent. Charles Kockelschneider qui naviguait comme civil sur le cargo mixte « Médié II » venait lui-aussi me voir à bord.

Tout cela nous amène en 1943. Depuis 1943, nous avions rallié la flotte alliée pour combattre enfin les nazis. J'étais toujours sans nouvelles de ma famille restée à Fontoy aux mains des boches.
En 1943, la vraie guerre débutera pour nous. Dès janvier, nous sortirons en mer pour rechercher et détruire, si possible, les forceurs de blocus qui sillonnent l'Atlantique tout autant que pour repérer les sous-marins allemands. Le 13 avril 1943, à 1 h 05, nous apercevons une masse sombre qui tente de se dissimuler en envoyant des fumigènes. L'équipage est appelé au poste de combat car ce navire n'était pas reconnu comme étant des nôtres. Le Georges Leygues prend de la vitesse. L'ordre d'ouvrir le feu est transmis aux pièces de 90 mm. Plusieurs salves seront tirées mettant ce navire hors de combat. A 2 heures du matin, il sombrera. Nous attendrons jusqu'à 7 heures en effectuant des cercles autour des embarcations de naufragés. Nous nous méfions car des sous-marins ennemis sont dans les parages. Nous serions pour eux une cible facile. Les naufragés allemands sont repêchés dans la matinée du 13 avril, au nombre de quatre-vingt douze, soit l'équipage au complet. Nous apprenons que nous avions coulé un croiseur auxiliaire allemand fortement armé qui avait pour mission de ravitailler les sous-marins patrouillant dans ce secteur de l'Atlantique Sud. Le 16 avril, après soixante douze heures passées à bord, ils seront débarqués à Dakar.

Nous passerons ensuite plusieurs mois à Philadelphia aux U.S.A. Un séjour inoubliable entre nous soit dit, mis à profit pour remettre à neuf notre croiseur, le réparer, le transformer le réarmer de tubes quadruples de 40 mm et de 16 mitrailleuses lourdes de 20 mm et l'équiper aussi d'un radar, équipement dont nous étions dépourvus jusque là, ce qui nous obligeait à naviguer à l'aveuglette vu que nous n'avions ni radar ni système d'écoute sous-marine, un système que nous n'aurons jamais d'ailleurs.
De retour en Afrique du Nord, à Mers el Kébir, nous complétons l'équipage pour desservir notre nouvel armement. L'équipage passe à 800 hommes. Nous sortirons encore souvent en mer pour reprendre nos patrouilles et, par là - même, apprendre aux nouveaux le maniement de nos nouvelles pièces.

Arrive le grand jour. Ordre est donné aux croiseurs « Georges Leygues » et « Montcalm » d'appareiller pour rejoindre l'Angleterre où nous attend la flotte américaine pour commencer des exercices communs et prendre notre place parmi les bâtiments alliés.
Le 3 juin, à 2 h 30 l'escadre alliée quitte Belfast. Destination France. Cette escadre est composée de trois cuirassés américains : le « Texas » qui bat pavillon de l'Amiral américain, l' Arkansas et le Nevada, de trois croiseurs : le Georges Leygues qui bat pavillon de l'Amiral Jaujard, du Montcalm et du Glasgow ainsi que de nombreux contre-torpilleurs et torpilleurs.

Le dimanche 4 juin, à 7 h du matin, nous nous trouvons à la pointe sud-ouest de l'Angleterre et faisons cap vers l'est. Mauvaise surprise. Devant l'état du temps, le Commandement Suprême prend la décision de retarder l'opération de vingt quatre heures. Nous allions arriver quand on nous a fait faire demi-tour et route inverse pendant douze heures. Puis à nouveau demi-tour à 19 h. 12 heures plus tard, nous nous retrouvions à la même position : le débarquement aurait lieu le 6 juin au lieu du 5 comme prévu.
Pendant toute la journée du 5 juin, les croiseurs dépassent des convois d'engins de débarquement d'environ cent bâtiments chacun et les cuirassés anglais.

6 juin 1944 : le Grand Jour. La batterie de Langre nous ayant repérés ouvre le feu sur le croiseur Georges Leygues. Le navire amiral nous laisse le soin à nous Français d'ouvrir le feu les premiers sur cette terre de France que nous venions libérer.
5 heures 35 minutes : le croiseur Georges Leygues ouvre le feu. Le Jour le plus Long commence. La batterie de Langre se tait. Par deux fois dans la journée, elle se manifestera pour être définitivement réduite au silence par le Georges Leygues et le cuirassé américain Arkansas. Grosse ombre au tableau : les objectifs des plages qui devaient être détruits par l'aviation sont intacts : le ciel trop bas et la fumée avaient gêné les bombardiers.

Ordre était donnéà tous les navires de pilonner les positions de défense allemandes situées sur les plages. Aussitôt, toutes les pièces des navires présents entraient en action : artillerie principale et secondaire. Toute la journée, les canons ne cessent de tirer. C'était des heures vraiment terribles. On tirait sans arrêt. Les affûts devenaient rouges et la peinture fondait. C'est dans cet enfer de bombardement que les péniches de débarquement se dirigeaient vers la plage d'Omaha Beach qui allait devenir dans la journée Omaha la Sanglante tant les combats qui s'y déroulaient étaient meurtriers. Nous prîmes sous notre feu tout ce qui était susceptible de freiner le débarquement. En même temps, à terre on voyait tous ces jeunes gars qui tombaient là-bas sur la plage.

Notre concours fut aussi demandé pour aller soutenir les Rangers de la Pointe du Hoc qui se trouvaient en difficulté. Les croiseurs français avaient bien rempli leur mission. Les objectifs assignés avaient été détruits. Le 6 juin 1944, le petiot gamin de Lommerange avait le sentiment d'avoir bien fait son boulot.
La nuit fut mouvementée et nous fûmes mis à rude épreuve par les interventions aériennes ennemies. Le 7 juin, la nuit nous apportait un spectacle inimaginable de par la puissance de feu des batteries anti-aériennes de tous les navires. On y voyait comme en plein jour.
Le 8 juin, même journée que la veille.
Le 9 juin, ce que nous vivions dépassait l'imagination. Des caissons énormes qui étaient remorqués s'approchaient lentement de la plage dans un ordre impeccable, y prenaient leur place et se coulaient à l'endroit prévu. A la fin de la journée, allait naître le port d'Arromanches. C'est par ce port que tout le matériel, les engins, le ravitaillement et les renforts de troupe allaient pouvoir rejoindre la plage. Le rôle qui nous incombait était de veiller à ce que rien ne vienne contrarier le déroulement du débarquement. C'était formidable.Georges Leygues_Marins_2014_06_06
Le 9 juin 1944, des marins du Georges Leygues débarquaient à Port en Bessin. Le but de l'opération était de porter à la population le salut de la Marine Française ainsi que de la fournir en vivres, médicaments de première urgence, savon, tabac, cigarettes, etc... Une foule en liesse accueillait les marins français. On entendait : « Ce sont des français, ce sont des français...» Et d'autres, avec un bon accent normand : « C'était point trop tôt. Il y a si longtemps qu'on vous attendait.»

Notre pavillon bleu, blanc, rouge fut hissé au clocher de Port en Bessin et la date souvenir de notre retour sur le sol français gravée au couteau sur une poutre du clocher.
Quelques jours plus tard, le Georges Leygues retournait faire le plein de munitions au Pays de Galles. Mais l'aventure n'était pas finie puisque le 15 août 1944, j'allais prendre part à un autre débarquement, celui de Provence.
Robert Jaujard, vice-amiral d'escadre devenu contre-amiral commandant la 4ème escadre, a été présent devant les plages de Normandie le 6 juin 1944. Son personnage est joué brièvement dans le film « Le jour le plus long » par l'acteur Jean Servais. Mais, c'est lors du débarquement de Provence quelques semaines plus tard et du bombardement de Gènes qu'il s'illustre particulièrement.

70 ans après, deux rues de Port en Bessin portent les noms des croiseurs Georges Leygues et Montcalm.


Cela fait 70 ans. De grandes fêtes ont eu lieu pour recevoir les anciens qui ont participé au débarquement, du moins ceux qui restent. Mais ... Car il y a toujours un mais...Maurice Nicolas a toujours reprochéà l'Etat français de ne l'avoir invité que tardivement aux commémorations.« Ceux qui en avaient les moyens pouvaient s'y rendre mais de leur poche, disait-il. Maintenant que je pourrais, je suis trop vieux et malade. Heureusement, les souvenirs sont ancrés dans ma mémoire et un journal ne suffirait pas pour écrire tout ce que nous avons vécu en Normandie début juin 1944 puis à partir du 15 août 1944 lors du débarquement en Provence où nous étions aussi.»

Maurice Nicolas est restéà bord du croiseur Georges Leygues du 4 décembre 1941 au 22 septembre 1945. Il revint à la vie civile le 22 octobre 1945. Il était titulaire, entre autres, de la Croix de Guerre, de la Croix du Combattant Volontaire, de la Commémorative 39 – 45 –mouche Libération Méditerranée - Afrique, de la Commémorative Campagne d'Italie, de la Commémorative anglaise du 6 juin 1944, de la Commémorative Overlord, de la Croix du Combattant de moins de 20 ans, etc...

Maurice Nicolas ne nous en voudra pas de nous être faits l'écho d'un parcours qui fut de facto aventureux parce que patriotique. Un parcours auquel il convenait de rendre hommage en cette période de commémoration du D.Day. Un parcours qui a valeur de témoignage notamment pour les jeunes générations qui semblent s'éloigner inéluctablement du travail de souvenir et de mémoire entretenu par ceux qui les précédaient. Un parcours semblable à bien d'autres, aussi glorieux, mais dont on n'a jamais rien dit parce qu'ils étaient le fait d'humbles combattants auxquels personne ne s'est intéressé.

Intarissable sur le Débarquement, Maurice Nicolas n'aura pas eu le bonheur de vivre les cérémonies du 6 juin 2014. Il est décédé le 1er novembre 2013 avec ses références et ses souvenirs. Il repose au columbarium de Lommerange. Un retour au pays qu'il avait ardemment souhaité.


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